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s. m. Trous carrés ou larges rainures pratiquées horizontalement le
long du chemin de ronde d'une tour ou d'une courtine, et permettant
d'en défendre le pied en laissant tomber des pierres, des pièces de
bois ou des matières brûlantes. Les mâchicoulis existaient dans les
hourds de bois que l'on élevait sur les remparts dans les premiers
temps du moyen âge et jusqu'au XIIIe siècle (voyez Hourd). Mais les hourds étant souvent incendiés par les assiégeants, on les remplaça, vers la fin du XIIIe
siècle, par des chemins de ronde de pierre bâtis en encorbellement au
sommet des murs et tours, et percés de trous rapprochés par lesquels on
laissait tomber sur l'assaillant des matériaux de toute nature, de
l'eau bouillante, de la poix chauffée, etc. Nous avons vu, à l'article Hourd, comment au château de Coucy déjà, c'est-à-dire au commencement du XIIIe
siècle, on avait remplacé les solives en bascules des hourdages en bois
par des consoles en pierre. Cependant, dès cette époque, on avait
établi de véritables mâchicoulis de pierre au sommet de quelques
édifices, notamment sur l'une des dépendances de la cathédrale de
Puy-en-Vélay, dépendance dont la construction remonte au XIIe
siècle. Cette belle bâtisse, connue dans le pays sous le nom de
Bâtiment des mâchicoulis, mérite une mention toute particulière, car
c'est une des plus remarquables constructions militaires que nous
possédions en France, une défense importante et solide placée au-dessus
d'une grande salle voûtée en berceau tiers-point, défense qui peut
contenir deux cents hommes et couvrir de projectiles tout le flanc sud
de la cathédrale, entre celle-ci et le rocher de Corneille. C'était
comme un ouvrage avancé pour le château qui couronnait ce rocher,
arrêtant les assaillants sur le seul point où il était abordable, et
masquant absolument le cloître et ses dépendances. Dans l'origine, c'est-à-dire au XIIe
siècle, la grande salle qui servit longtemps de salle des États
provinciaux était couverte immédiatement sur la voûte en berceau par
une double pente en tuiles posées à bain de mortier. Au XIIIe
siècle, on surmonta cette salle de la défense dont nous donnons ici le
plan (1). On n'arrivait à cette défense que par un passage étroit,
communiquant à la porte A. Devant des contre-forts B s'ouvrent des
mâchicoulis C, d'autres mâchicoulis D défendent le nu des murs entre
ces contre-forts. Des piles E posées sur les contre-forts en arrière
des mâchicoulis et d'autres piles F élevées sur le mur donnant vers le
cloître portent des filières sur lesquelles reposent les fermes qui
soutiennent la couverture abritant toute la surface du bâtiment. Aux
deux extrémités sont des pignons.
La coupe transversale, faite sur a b (2) indique en A la
grande salle des États; en B, les contre-forts. On voit comment sont
disposés les mâchicoulis, dont le crénelage C est porté sur des arcs
reposant sur des encorbellements. Un parapet D garantissait les
défenseurs contre les traits lancés du dehors. Les meutrières sont
percées dans les ventrières des créneaux et non dans les merlons, ainsi
que l'indique le plan et la coupe. Par suite de la disposition des
piles, la défense était complètement indépendante de la charpente. La
face extérieure du crénelage donne la figure 3. Les mâchicoulis sont
solidement construits au moyen d'arcs bandés sur des assises en
encorbellement. On observera la construction intéressante des grands
mâchicoulis entre les contre-forts, dont les arcs jumeaux sont
surmontés d'un arc de décharge qui soulage l'encorbellement du milieu.
Au droit de chaque contre-fort, les chevrons de la charpente font
saillie afin d'abriter les petits mâchicoulis.
Toute cette construction est faite en belles pierres d'appareil de
lave, et il semble qu'elle date d'hier. Son effet extérieur est
saisissant. Ces mâchicoulis, en façon de larges rainures, appartiennent
particulièrement aux provinces méridionales et ont précédé de près d'un
siècle les mâchicoulis du nord qui consistent en une suite de trous
carrés ménagés entre des consoles. Nous verrons tout à l'heure des mâchicoulis en forme de rainures dans des défenses du XIVe siècle, appartenant à la cathédrale de Béziers.
Les mâchicoulis de la grande salle du Puy ne
sont pas d'ailleurs les seuls de ce genre que l'on trouve en Auvergne.
L'église de Royat, près de Clermont, est couronnée par des mâchicoulis
dont le style et la construction méritent d'être étudiés. Alors, les
architectes chargés de diriger des travaux militaires ne croyaient pas
que la laideur ou la vulgarité des formes fût une des conditions du
programme imposé, sous le prétexte de tout sacrifier à l'utile. Parce
que l'art entrait pour quelque chose dans leur composition, ces
défenses ne perdaient rien de leur force; souple, prêt à satisfaire à
tous les besoins et même à les indiquer, l'artiste savait plaire aux
yeux par l'étude attentive et vraie des moindres détails. Certes, dans
des travaux destinés à la défense d'une place ou d'un poste, quand
l'art, comme chez les Chinois, intervient pour sculpter ou peindre, sur
les créneaux, des monstres hideux, destinés à épouvanter les
assaillants, on peut rire de ses inspirations; mais quand, au
contraire, loin de s'amuser à ces puérilités, l'art, se soumettant à
toutes les exigences de la défense, sait donner aux moindres détails
une forme belle, indiquant clairement leur destination; quand il ne
cherche autre chose que la structure la mieux raisonnée, la plus
solide, on peut admettre qu'il est bon de lui laisser prendre sa place.
Or, il est donné à l'art seul d'exprimer par des formes convenables
tous les besoins, même les plus vulgaires, et nous ne verrions nul
inconvénient à ce que, dans nos défenses modernes, l'aspect extérieur
fût d'accord avec la réalité1.
Couronner aujourd'hui une porte, une caserne, un ouvrage défendu par
des mâchicoulis, cela serait ridicule; mais il l'est tout autant, au
moins, de donner à ces ouvrages militaires l'aspect d'un hôtel, de les
entourer de pilastres romains, de les terminer par des corniches
profilées suivant les règles de Vignole, et de border leurs baies de
chambranles empruntés aux traités d'architecture qui remplissent les
étalages des marchands de gravures. Tous les exemples des diverses
parties de l'architecture du moyen âge que nous donnons dans cet
ouvrage font assez voir que chacune de ces parties remplit exactement
une fonction, et qu'on ne saurait confondre un détail d'un édifice
militaire avec un détail d'un édifice civil ou religieux. Chaque
monument conserve une physionomie qui lui est propre, chaque détail
s'accorde avec la partie du programme qui l'a commandé, et plus le
programme tend à imposer une certaine forme nécessitée par un besoin
défini, impérieux, et plus l'architecture donne à cette forme un
caractère accentué. Nous en aurons la preuve une fois de plus ici, si
l'on veut bien nous suivre dans notre étude sur les mâchicoulis.
Voici (4) quelle est la disposition des mâchicoulis couronnant
l'église de Royat. En A on voit le mâchicoulis en coupe; il est
présenté de face en B. Cette construction appartient à la première
moitié du XIIIe siècle; elle se compose d'une suite
d'arcades portées sur des consoles. Entre chaque contre-fort de
l'édifice, on compte quatre arcades. L'architecte, ayant compris que
les angles, plus encore que les faces, avaient besoin d'être protégés
par des mâchicoulis, a adopté une disposition d'encorbellements C qui
permettent aux merlons de suivre leurs plans, et qui laissent à chacun
de ces angles un large mâchicoulis en équerre. Le détail des consoles
est tracé dans la figure 5, de profil en B et de face en C. On voit ici
percer le goût de l'artiste, car ces consoles sont galbées de la
manière la plus heureuse. Mais si nous nous rapprochons des provinces
du nord, les mâchicoulis ne se présentent guère qu'à la fin du XIIIe
siècle. La facilité de se procurer du bois et aussi le grand relief des
fortifications de ces contrées permettaient de conserver le système des
hourds plus longtemps. Les défenses de Carcassonne, par exemple, qui
ont été élevées par Philippe le Hardi vers 1285, ne présentent nulle
part de traces de mâchicoulis, bien qu'il y en eût déjà dans les
provinces du centre et du midi, et que ces défenses fussent établies
avec un grand luxe de précautions défensives: mais Carcassonne était
alors entourée, de vastes forêts, et ses remparts avaient été élevés
par des architectes du nord.
Vers la même époque, en Bourgogne, où la pierre calcaire est
abondante, belle et solide, nous voyons poindre les mâchicoulis. Il en
existe déjà au sommet de la tour du château de Montbard; mais ces
mâchicoulis ne sont point continus, ils ne forment que des sortes
d'échauguettes saillantes sur chacune des faces de cette tour, dont le
plan, est un carré terminé par trois pans coupés. Ces mâchicoulis
défendent donc les faces et non les angles. Nous en présentons en A (6)
le plan; en B, la face intérieure; en C, la face extérieure; en D, la
coupe sur a b; en E, la face latérale sur c d, et en F, la section, sur m n.
Ces mâchicoulis sont couverts et présentent, à l'extérieur, l'aspect
d'un merlon saillant porté sur des corbeaux, percé d'une meurtrière en
forme de quatre-feuilles. Les jouées et la face de cette logette
saillante sont construites au moyen de trois dalles de 0,20 c.
d'épaisseur; le chaperon est fait de deux pierres. Le trou du
mâchicoulis est presque à la hauteur des ventrières des créneaux, de
sorte qu'il fallait nécessairement soulever les projectiles que l'on
voulait laisser tomber sur l'assaillant. Quant aux merlons posés entre
ces mâchicoulis, ils sont couronnés de pinacles, percés de meurtrières
dans les faces longues et armés de crochets en fer, ainsi que les
jouées des mâchicoulis, destinés à suspendre des volets de bois. Une
figure perspective (7) fera saisir l'ensemble de ce système de défense.
Cette construction est faite de beaux matériaux que le temps n'a pas
altérés. Les pinacles seuls ont été jetés bas; nous ne les avons pu
restaurer qu'au moyen de fragments.
Il est clair que les assaillants placés en O, à la base de la tour
(voir le plan, figure 6), ne pouvaient guère être atteints par les
projectiles tombant de ces mâchicoulis; mais il faut dire que cette
tour est élevée sur un escarpement de rochers et que l'assiégé comptait
sur les ricochets. On ne tarda pas cependant à chercher un système de
mâchicoulis continus pouvant battre toute l'étendue des remparts, et
ceux-ci furent, à leur base, disposés en prévision des effets produits
par la chute des projectiles, ainsi que cela avait été tenté déjà pour
les Hourd
(voyez ce mot). On voulut aussi que les mâchicoulis pussent battre les
angles saillants. Mais ces perfectionnements ne furent introduits dans
l'art de la fortification des places et châteaux que vers le milieu du
XIVe siècle. On voit des mâchicoulis de cette époque fort bien établis au sommet de la tour du château de Beaucaire.
Le plan de cette tour, ou plutôt de ce donjon, donne la figure
ci-contre (8), présentant vers l'extérieur de la forteresse le bec
saillant A.
Bien que ce bec domine un escarpement de rocher considérable et
qu'il soit plein, cependant il est couronné par la rangée de
mâchicoulis qui pourtourne l'ouvrage. En plan (9), les consoles de ces
mâchicoulis biaisent pour arriver à former deux lignes parallèles à la
pointe, ainsi que l'indique le tracé A. Le bec est donc dominé par un
créneau perpendiculaire à son axe et par deux trous de mâchicoulis
triangulaires; il est défendu. Nous en présentons en B la vue
perspective. Le profil C est pris sur l'axe d'une arcature de
mâchicoulis. On remarquera la saillie D, ménagée en contre-bas des
consoles, et qui était destinée à empêcher les projectiles E, tombant
par les trous, de ricocher le long des aspérités des parements, ce qui
les eût fait dévier de leur ligne verticale de chute; or, la ligne
verticale de chute était calculée avec grand soin par les constructeurs
militaires, elle venait toujours rencontrer un talus qui faisait
décrire à ces projectiles une certaine parabole en raison de leur poids
et de la hauteur de la muraille. Si l'assaillant venait se loger au
pied même du rempart, il pouvait facilement se garantir des projectiles
tombant verticalement au moyen d'un pavois bardé de fer et rembourré
d'étoupes, mais il lui était bien plus difficile de parer des coups
arrivant obliquement; d'ailleurs, ces coups empêchaient les approches.
Afin d'être assurés de l'effet des projectiles tombant à travers les
mâchicoulis, les assiégés avaient le
soin de les faire tailler. Dans des sièges longs et lorsque les
approvisionnements venaient à manquer, on jetait par les mâchicoulis
tout ce qui se trouvait sous la main, morceaux de bois, tuiles,
cailloux, moellons. Mais si la place était bien munie, les projectiles
propres à la défense par les mâchicoulis étaient faits de pierres
lourdes, sphériques et d'un diamètre régulier; alors seulement on
pouvait être assuré de leur effet2.
Donc si l'on veut étudier des mâchicoulis, il faut en même temps
observer l'inclinaison des talus inférieurs des murailles, car ces
talus sont commandés par la hauteur de cette muraille, par la saillie
des mâchicoulis et par la nécessité de battre tel point du fossé, ou de
l'escarpe, ou du terre-plein. Dans les fortifications du XIVe siècle et du commencement du XVe,
les mâchicoulis et les talus sont combinés simultanément pour produire
un certain effet imposé par les besoins de la défense. Soit (10) en A
la coupe du rempart avec mâchicoulis, le rempart peu élevé au-dessus du
fond du fossé G; il s'agit dès lors d'empêcher l'assaillant de
s'approcher assez pour pouvoir poser des échelles, le talus formera un
angle accusé avec le nu du mur vertical, alors les projectiles seront
renvoyés loin du point H (pied du talus) et rouleront en ressautant au
fond du fossé. Plus le projectile sera lourd et plus la parabole IK se
rapprochera de la ligne droite et s'éloignera du point H. Si l'ennemi
arrive au point H, des projectiles d'un poids médiocre pourront
l'atteindre. S'il comble partie du fossé et qu'il arrive au niveau L,
il reçoit le projectile obliquement et dans toute sa force.
En supposant que les remparts B sont assez élevés pour ne pas
craindre les échelades, le talus formera avec la verticale un angle
plus obtus, et le projectile viendra tomber obliquement près du pied du
talus. En supposant encore que le rempart est peu élevé au-dessus de la
contrescarpe du fossé, mais que celui-ci est profond (C), le talus sera
disposé de telle façon que le projectile le rasera dans toute la
hauteur à une faible distance. Si le rempart est construit sur un
escarpement de rocher (D), le talus sera tracé de manière que le
projectile viendra tomber au pied de ce rocher afin d'en écarter les
mineurs. Ceci fait comprendre combien il était important d'avoir des
projectiles sphériques et d'un poids connu pour défendre le pied des
remparts au moyen des mâchicoulis, suivant la nature de l'attaque, et
comment la section des talus devait être tracée en raison de la nature
des lieux. Or, si nous savons aujourd'hui que les officiers du génie
calculent avec précision les angles des bastions et la coupe des
remparts pour obtenir certains effets, nous pouvons être assurés qu'au
XIVe siècle les architectes militaires n'apportaient pas
moins de soin et de calcul dans le tracé de leurs constructions, ce qui
ne les empêchait pas de donner aux corbeaux de leurs mâchicoulis, aux
chaperons de leurs créneaux et à tous les détails de ces constructions,
des proportions heureuses et des profils d'un beau caractère.
Cependant nous avons vu, à l'article HOURD, que les chemins de ronde
en charpente avec mâchicoulis étaient couverts. Il fallait, en effet,
abriter les défenseurs placés sur ces chemins de ronde, derrière les
crénelages, contre les projectiles lancés à toute volée par les
assaillants; on se mit donc à couvrir aussi les mâchicoulis de pierre,
comme on avait couvert les hourds, par des combles en charpente, mais à
demeure cette fois. Les mâchicoulis de ce genre les plus remarquables
qui existent en France sont certainement ceux du château de
Pierrefonds; ils datent de 1400. Nous y reviendrons tout à l'heure.
Il est nécessaire, avant de nous occuper de ces sortes de mâchicoulis, de parler de ceux des remparts d' Avignon, élevés vers le milieu du XIVe
siècle, et qui présentent certaines particularités dignes d'attention,
comme, par exemple, les retours d'équerre sur les tours, les consoles
d'angle, les mâchicoulis ressautants, etc. Les mâchicoulis des remparts
d' Avignon
n'ayant jamais été destinés à être couverts et étant surmontés d'un
simple crénelage, afin d'éviter la bascule les constructeurs ont donné
aux encorbellements un assez grand nombre d'assises de manière à
charger la queue de chaque corbeau. Ainsi (11), soit en A l'angle d'une
tour, il y aura des corbeaux diagonaux en B, lesquels, suivant la coupe
c d, donneront le profil D possédant six assises de corbeaux;
les deux encorbellements C seront légèrement biais pour obtenir des
arcs BC égaux aux arcs CF, les encorbellements C et F n'auront que cinq
assises (voir le profil E fait sur e f). En élévation, cet
angle présentera le tracé G, qui explique pourquoi l'encorbellement
d'angle B, étant plus long que les autres, prend une assise de plus en
contre-bas. Les arcs des mâchicoulis voisins de l'angle pénètrent cet
encorbellement diagonal. En g est figuré, en perspective, l'assise g'; en h, l'assise h'; en i, l'assise i'; en l, l'assise l'.
Ces pierres, étant chargées à la queue par le massif O (voir les coupes
D E), ne peuvent basculer sous le poids du crénelage. Les échauguettes
flanquantes et les tours étant plus élevées que les courtines, le
chemin de ronde devient un emmarchement et les mâchicoulis ressautent
ainsi que l'indique le figuré L; chaque marche m est percée de son mâchicoulis (voyez le profil P fait sur la ligne r h). On voit au palais des Papes, à Avignon,
des mâchicoulis obtenus au moyen de grands arcs qui reposent sur des
contre-forts. Ces mâchicoulis donnaient de longues rainures par
lesquelles on pouvait jeter non-seulement des pierres, mais des pièces
de bois en travers (voyez Architecture Militaire,
figure 40); ils avaient l'inconvénient de ne pas battre le devant de
ces contre-forts et de laisser ainsi des points accessibles aux
assaillants. Ce système n'a guère été employé par les architectes
militaires des provinces du nord; ceux-ci ont admis de préférence le
système des mâchicoulis continus. C'est, en effet, dans les œuvres des
architectes septentrionaux qu'il faut toujours aller chercher les
défenses les plus sérieuses; beaucoup de fortifications du midi de la
France et de l'Italie semblent faites plutôt pour frapper les yeux que
pour opposer un obstacle formidable aux assaillants, et dans ces
contrées souvent les mâchicoulis sont une décoration, un couronnement,
non point une défense efficace.
Nous l'avons dit tout à l'heure, les mâchicoulis ne se défendent
bien que s'ils sont couverts comme l'étaient les hourds. Examinons donc
les mâchicoulis du château de Pierrefonds. Ceux-ci formaient une
ceinture non interrompue au sommet des tours et courtines; ils étaient
non-seulement couverts, mais encore surmontés d'un crénelage qui
commandait les approches au loin. Voici (12) comment étaient disposés
ces mâchicoulis. En A, nous donnons le plan d'une section de chemin de
ronde des tours prise au niveau a. Les trous des mâchicoulis sont tracés en b.
En B est figurée la coupe de toute la défense et en C sa face
extérieure développée. Les chemins de ronde D, avec leurs mâchicoulis,
sont couverts par les combles en appentis G. De distance en distance,
des lucarnes E, posées sur le mur du chemin de ronde, en face des
fenêtres F, éclairent les salles I. En K est le crénelage supérieur.
Les queues des assises des corbeaux L, profondément engagées dans la
maçonnerie, sont chargées par le gros mur, afin de maintenir la
bascule. Les linteaux M sont appareillés en clausoirs entre chaque
corbeau, ainsi que l'indique le tracé extérieur; les sommiers O sont
donc taillés conformément au tracé perspectif O'; ainsi aucune chance
de rupture dans la construction. Un démaigrissement du parement entre
chaque corbeau laisse en P une arête saillante qui empêche les traits
lancés du bas de remonter en ricochant dans le chemin de ronde par les
trous des mâchicoulis. À la base des tours et courtines, un talus
prononcé fait ricocher les projectiles jetés par les trous, ainsi que
l'indique la figure 10. C'était là une défense sérieuse et combinée
d'une manière tout à fait remarquable lorsque les armées ne
possédaient pas encore d'artillerie à feu, et lorsque les chemins de
ronde étaient assez élevés au-dessus du sol pour que leurs murs et
leurs couvertures n'eussent rien à craindre des machines de jet tels
que les mangonneaux, les pierriers et trébuchets. Sans modifier en rien
ce système, vers le milieu du XVe
siècle, on voulut donner aux mâchicoulis, à l'extérieur, un aspect
moins sévère; quelquefois on les décora. Tels sont, par exemple, les
mâchicoulis posés au-dessus de la porte du beau château du roi René, à
Tarascon (13). À la fin du XVe siècle, les progrès de
l'artillerie à feu firent renoncer à ce moyen de défense; cependant on
figura encore, par tradition du moins, des mâchicoulis au sommet des
tours des châteaux.
On établit quelquefois des mâchicoulis sur le
couronnement des églises lorsqu'on jugeait que celles-ci pouvaient être
investies; c'est ainsi que sur l'abside de la cathédrale de Béziers, entre les contre-forts, et pour défendre les fenêtres contre une escalade, on a construit vers le commencement du XIVe
siècle des mâchicoulis terminés par un parapet avec crénelages à jour
en forme de balustrade. Ce monument, placé sur le point culminant de la
ville et se reliant aux fortifications, était considéré comme une
citadelle, et de tout temps il avait été garni de crénelages (voy. Créneau).
Lors de la reconstruction de son abside, après les guerres des
Albigeois, on ne fit donc que se conformer à une tradition. Voici (14)
une vue extérieure de l'un de ces mâchicoulis du chevet: en A est
tracée la coupe de la défense. Ajoutons que les fenêtres sont garnies
de grillages très-serrés et qui présentaient un obstacle suffisant pour
arrêter les assaillants à l'aplomb des rainures des mâchicoulis. Nos
corniches à grandes consoles, nos balcons en saillie portés sur des
corbeaux sont encore une dernière trace de ces mâchicoulis si fréquents
dans les habitations seigneuriales des XIVe et XVe
siècles. Pour terminer, disons que les trous des mâchicoulis des
fortifications du nord de la France ont des dimensions évidemment
réglementaires; ils forment un carré qui varie de 0,33 c. (1 pied) à
0,40 c. (15 pouces): aussi les projectiles destinés à couler dans ces
trous pouvaient-ils être indifféremment portés dans telle ou telle
place forte; ce qui était un point important.