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[modifier] BARBACANE, barbequenne
s. f. On désignait pendant le moyen âge, par ce mot, un ouvrage de
fortification avancé qui protégeait un passage, une porte ou poterne,
et qui permettait à la garnison d'une forteresse de se réunir sur un
point saillant à couvert, pour faire des sorties, pour protéger une
retraite ou l'introduction d'un corps de secours. Une ville ou un
château bien munis étaient toujours garnis de barbacanes, construites
simplement en bois, comme les antemuralia, procastria des camps romains, ou en terre avec fossé, en pierre ou moellon avec pont volant, large fossé et palissades antérieures (voy. Architecture Militaire).
La forme la plus ordinaire donnée aux barbacanes était la forme
circulaire ou demi-circulaire, avec une ou plusieurs issues masquées
par la courbe de l'ouvrage. Les armées qui campaient avaient le soin
d'élever devant les entrées des camps de vastes barbacanes, qui
permettaient aux troupes de combiner leurs mouvements d'attaque, de
retraite ou de défense. Au moment d'un siège, en dehors des murs des
forteresses, on élevait souvent des barbacanes, qui n'étaient que des
ouvrages temporaires, et dans lesquels on logeait un surcroît de
garnison.
«Hordéiz ot et bon et bel,
Par defors les murs dou chastel
Ses barbacanes fist drecier
Por son chastel miauz enforcier.
Sodoiers mande por la terre
Qu'il vaingnent à li por conquerre.
Sergens à pié et à cheval:
Tant en y vint que tot un val
En fu covert, grant joie en fist
Renart, et maintenant les mist
Es barbacanes por deffense1.»
Mais, le plus souvent, les barbacanes étaient des ouvrages à demeure autour des forteresses bien munies.
«Haut sont li mur, et parfont li fossé,
Les barbacanes de fin marbre listé,
Hautes et droites, ja greignors ne verrés2»
Parmi les barbacanes temporaires, une des plus célèbres est celle
que le roi saint Louis fit faire pour protéger la retraite de son corps
d'armée et passer un bras du Nil, après la bataille de la Massoure. Le
sire de Joinville parle de cet ouvrage en ces termes: «Quant le roy et
ses barons virent celle chouse, et que nul autre remède n'y avoit (le
camp était en proie à la peste et à la famine), tous s'accordèrent, que
le roy fist passer son ost devers la terre de Babilonne, en l'ost du
duc de Bourgoigne, qui estoit de l'autre part du fleuve, qui alloit à
Damiette. Et pour retraire ses gens aisément, le roy fist faire une
barbacane devant le poncel, dont je vous ai devant parlé. Et estoit
faite en manière, que on pouvoit assez entrer dedans par deux coustez
tout à cheval. Quant celle barbacanne fut faite et apprestée, tous les
gens de l'ost se armèrent; et là y eut ung grant assault des Turcs, qui
virent bien que nous en allions oultre en l'ost du duc de Bourgoigne,
qui estoit de l'autre part. Et comme on entroit en icelle barbacanne,
les Turcs frappèrent sur la queue de nostre ost: et tant firent, qu'ils
prindrent messire Errart de Vallery. Mais tantoust fut rescoux par
messire Jehan son frère. Toutesfoiz le roy ne se meut, ne toute sa
gent, jusques à ce que tout le harnois et armeures fussent portez
oultre. Et alors passâmes tous après le roy, fors que messire Gaultier
de Chastillon, qui faisoit l'arrière garde en la barbacanne. Quant tout
l'ost fut passé oultre, ceulx qui demourerent en la barbacanne, qui
estoit l'arrière garde, furent à grant malaise des Turcs, qui estoient
à cheval. Car ilz leur tiroient de visée force de trect, pour ce que la
barbacanne n'estoit pas haulte. Et les Turcs à pié leur gectoient
grosses pierres et motes dures contre les faces, et ne se povoient
deffendre ceulx de l'arrière garde. Et eussent été tous perduz et
destruitz, si n'eust esté le conte d'Anjou, frère du roy, qui depuis
fut roy de Sicille, qui les alla rescourre asprement, et les amena à
sauveté3.»
Cette barbacane n'était évidemment qu'un ouvrage en palissades,
puisque les hommes à cheval pouvaient voir par-dessus. Dans la
situation où se trouvait l'armée de saint Louis à ce moment, ayant
perdu une grande partie de ses approvisionnements de bois, campée sur
un terrain dans lequel des terrassements de quelque importance ne
pouvaient être entrepris, c'était tout ce qu'on avait pu faire que
d'élever une palissade servant de tête de pont, pouvant arrêter l'armée
ennemie, et permettre au corps d'armée en retraite de filer en ordre
avec son matériel. La vue à vol d'oiseau que nous donnons ici (1) fera
comprendre l'utilité de cet ouvrage.
Une des plus importantes barbacanes construites en maçonnerie était celle qui protégeait le château de la cité de Carcassonne, et qui fut bâtie par saint Louis (voy. Architecture Militaire,
fig. 11, 12 et 13). Cette barbacane, très-avancée, était fermée;
c'était un ouvrage isolé. Mais le plus souvent les barbacanes étaient
ouvertes à la gorge et formaient comme une excroissance, un saillant
semi-circulaire, tenant aux enceintes extérieures, aux lices. C'est
ainsi que sont construites la barbacane élevée en avant de la porte
Narbonnaise à Carcassonne (voy. Porte
), celle du château du côté de la cité, et celle qui protège la poterne
sud de l'enceinte extérieure de la même ville. Cette dernière barbacane
communique aux chemins de ronde des courtines de l'enceinte extérieure
par deux portes qui peuvent être fermées. En s'emparant de la poterne
ou des deux courtines, les assiégeants ne pouvaient se jeter
immédiatement sur le chemin de ronde de l'ouvrage saillant, et se
trouvaient battus en écharpe en pénétrant dans les lices. Étant ouverte
à la gorge, cette barbacane était elle-même commandée par l'enceinte
intérieure. Nous donnons (2 A) les vues cavalières de l'extérieur et (2
B) de l'intérieur de cet ouvrage de défense. Jusqu'à l'invention des
bouches à feu, la forme donnée aux barbacanes dès le XIIe siècle ne fut guère modifiée, encore les établit-on même souvent sur un plan semi-circulaire; cependant, vers le milieu du XVe siècle, on ne
les regarda pas seulement comme un flanquement pour les portes
extérieures; on chercha à les flanquer elles-mêmes, soit par d'autres
ouvrages élevés devant elles, soit par la configuration de leur plan, La barbacane qui défend la principale entrée du château de Bonaguil, élevé au XVe siècle, près Villeneuve d'Agen, est une première tentative en ce sens (voy. Château).
Des pièces d'artillerie étaient disposées à rez-de-chaussée et les
parties supérieures conservaient leurs crénelages destinés aux archers
et arbalétriers. En perdant leur ancienne forme, à la fin du XVe
siècle, avec l'adoption d'un nouveau système approprié aux bouches à
feu, ces ouvrages perdirent leur ancien nom, pour prendre la
dénomination de boulevard. Lorsque les barbacanes du moyen âge furent conservées, on les renforça extérieurement, pendant les XVIe et XVIIe siècles, par des ouvrages d'une grande importance. C'est ainsi que les dehors de la barbacane A
(3) du faubourg Sachsenhausen de Francfort sur le Mein furent protégés au commencement du XVIIe siècle; vers la même époque, la barbacane A du château de Cantimpré de Cambrai (4) devint l'occasion de la construction d'un ouvrage à couronne B très-étendu (voy. Boulevard).